Genève, le 9 septembre 2019
Monsieur le Président du Conseil,
Excellences,
Chers collègues et amis,
Une année s’est écoulée depuis le début de mon mandat. Je vais être honnête avec vous, cela n’a pas été une tâche facile. Nous sommes confrontés à de grandes difficultés. Nous devons non seulement nous attaquer aux problèmes classiques liés aux droits de l’homme, mais aussi à un éventail de nouveaux problèmes, comme le nouveau paysage numérique et la protection de la vie privée ; ou bien ce dont je vais parler dans un instant : les changements climatiques et leurs répercussions sur les droits de chacun d’entre nous.
Tout au long de ma carrière, j’ai prôné l’interaction et la coopération, car je sais pertinemment que les partenariats constituent la meilleure façon de régler ces problèmes. Le dialogue continu entre le HCDH et vous tous est crucial pour faire avancer la protection des droits de l’homme à l’échelle nationale et au niveau mondial.
Au cours de la dernière année, j’estime que nous avons réalisé des progrès importants pour la cause des droits de l’homme, ce qui nous a permis de renforcer nos sociétés. Il reste beaucoup à faire, et de nombreux problèmes et situations nécessitent d’urgence l’attention du Conseil. Je compte sur vous pour collaborer sur des idées, des stratégies et des solutions solides afin de relever ces défis, notamment la menace qui prend rapidement de l’ampleur et pèse de plus en plus sur les droits de l’homme : les changements climatiques.
Les changements climatiques sont une réalité qui touche aujourd’hui toutes les régions du monde. Les conséquences humaines des prévisions actuelles concernant le réchauffement de la planète sont catastrophiques. Les tempêtes sont en hausse et les marées pourraient submerger des nations insulaires et des villes côtières entières. Les feux font rage dans nos forêts, et les glaciers fondent. Notre avenir se meurt à petit feu, littéralement.
L’urgence climatique entraîne déjà une forte augmentation de la faim dans le monde qui, selon la FAO, a augmenté cette année pour la première fois depuis dix ans. Des experts de l’OMS prévoient que les changements climatiques provoqueront environ 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050 – à cause de la malnutrition, du paludisme, de la diarrhée et du stress thermique à eux seuls. Dans de nombreux pays, les situations météorologiques chaotiques et autres manifestations de la situation d’urgence environnementale dans laquelle nous nous trouvons réduisent déjà à néant les avancées majeures réalisées en matière de développement ; les conflits s’aggravent, les déplacements et les tensions sociales augmentent, la croissance économique est freinée et les inégalités sont de plus en plus prononcées.
Le monde n’a jamais connu une telle menace pour les droits de l’homme. Aucun pays, aucune institution, ni aucun décideur ne peut se permettre de rester en retrait face à cette situation. Les économies de chaque pays ; les structures institutionnelles, politiques, sociales et culturelles de chaque État ; et les droits de votre peuple tout entier – et des générations futures – seront touchés.
Excellences,
Notre temps est probablement compté, mais il est encore temps d’agir. Nous vivons à une époque extraordinaire sur le plan de l’innovation. L’adoption d’approches mieux réfléchies concernant notre utilisation des ressources naturelles et renouvelables ; l’instauration de politiques protégeant et donnant une voix aux communautés marginalisées, notamment par le biais de diverses initiatives de protection sociale ; et la mise en place de meilleures stratégies par les entreprises pour l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement peuvent être bénéfiques pour l’environnement et promouvoir une plus grande dignité humaine et une meilleure protection des droits de l’homme.
Le Conseil a reconnu que « les obligations, normes et principes en matière de droits de l’homme peuvent éclairer et renforcer l’élaboration des politiques internationales, régionales et nationales dans le domaine des changements climatiques, en favorisant la cohérence des mesures, leur bien-fondé et la pérennité des résultats ».
Nous avons besoin de mettre en pratique cette puissante déclaration. Nous avons besoin d’engagements nationaux solides pour passer à l’action, en mettant l’accent sur la participation des défenseurs des droits de l’homme environnementaux, des peuples autochtones, et des groupes de la société civile représentant les communautés les plus à risque – ainsi que du soutien des acteurs commerciaux, des villes et autres parties prenantes actives.
Le Secrétaire général organisera un Sommet pour l’action climatique dans deux semaines à New York pour faire accélérer l’action climatique auprès des États et de la communauté internationale.
J’invite chacun de vos États, en tant que membres du principal organisme intergouvernemental mondial en matière de droits de l’homme, à contribuer le plus activement possible afin de prévenir les changements climatiques et de promouvoir la résilience et les droits des peuples à faire face aux dommages causés à l’environnement.
Pour que l’action climatique soit efficace, il faut arriver à faire adhérer les indécis et les incrédules à des efforts communs, justes et véritablement internationaux. Les droits de l’homme peuvent aider à encourager ce mouvement. Aujourd’hui, une mosaïque très inégale de normes environnementales et relatives aux droits de l’homme sépare les êtres humains des dommages environnementaux – et nombreux sont ceux qui ne disposent d’aucun recours efficace pour les dommages qu’ils subissent.
Je trouve encourageant le fait que le droit à un environnement sain et durable, qui définit la relation entre l’environnement et les droits de l’homme, soit de plus en plus reconnu et figure dans plus d’une centaine de lois nationales et régionales. Pour chacun d’entre nous, un environnement sain n’est pas moins important que la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous buvons, ou la liberté de pensée que nous chérissons ; tous les peuples du monde entier devraient être en mesure de vivre dans un environnement sain et de tenir pour responsables ceux qui s’y opposent.
Monsieur le Président,
Ce Conseil a un rôle crucial à jouer, en adoptant des approches à la fois existantes et innovantes pour contribuer à l’action climatique. Les cinq points clés suivants devraient, selon moi, guider notre action sur le climat.
Premier point : les changements climatiques portent atteinte aux droits, au développement et à la paix.
Le Secrétaire général a noté qu’au cours des 60 dernières années, 40 % des guerres civiles ont été liées à la dégradation de l’environnement. Parmi les nombreux exemples pouvant illustrer ce propos, je souhaite prendre celui de la région du Sahel. Comme l’a indiqué le Conseiller spécial des Nations Unies sur le Sahel, cette région fait partie des zones les plus vulnérables aux changements climatiques, avec des augmentations de température qui devraient, selon les prévisions, être 1,5 fois plus élevées que la moyenne mondiale.
La désertification a des conséquences majeures sur la jouissance des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques de la population. En raison de la dégradation des terres arables dans la région du Sahel, la concurrence s’intensifie pour obtenir des ressources déjà limitées, ce qui conduit à des affrontements fréquents entre éleveurs et agriculteurs – ce qui, à son tour, exacerbe les tensions ethniques. La lenteur du développement et l’accroissement de la pauvreté poussent les jeunes à se faire exploiter par des groupes terroristes et extrémistes, et alimentent la violence – y compris les attaques contre les écoles ; les déplacements ; et l’instabilité politique.
En mai de cette année, les Coordonnateurs résidents et Coordonnateurs de l’action humanitaire des Nations Unies pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont averti que l’extrémisme violent, l’augmentation grave des déplacements ces 12 derniers mois et les pénuries alimentaires dues à une grande sécheresse risquent de compromettre l’avenir de « toute une génération ». Ils ont également alerté que l’instabilité croissante risque de se propager aux pays voisins.
L’initiative lancée par les pays duG5 Sahel pour créer une force conjointe de lutte contre le terrorisme, et l’engagement dont ils font preuve pour garantir que les mesures prises sont compatibles avec les droits de l’homme, sont louables. Toutefois, s’attaquer aux causes profondes de la situation actuelle exigera aussi de réaliser d’importants investissements pour faire face aux menaces environnementales ; fournir de réelles opportunités pour les jeunes ; et lutter contre les inégalités.
La région du Sahel dispose de ressources naturelles abondantes, y compris de possibilités de sources d’énergie renouvelable, ainsi que d’une population jeune et résiliente d’hommes et de femmes qui ont le droit de vivre dans la dignité et dans la paix. Il s’agit d’un domaine où la communauté internationale peut, et doit, mettre en œuvre des solutions visant à contrer une crise grandissante, et aider les pays de la région à parvenir à un développement sain et durable.
Monsieur le Président,
Deuxième point : une action climatique efficace nécessite une participation vaste et significative.
Ce sont les mesures d’adaptation climatique efficaces qui permettront d’autonomiser les femmes ; les peuples autochtones ; et ceux qui vivent dans des zones vulnérables, qui sont souvent membres de communautés marginalisées et victimes de discrimination. Pour cela, les Gouvernements doivent reconnaître les facteurs structurels qui accentuent la vulnérabilité de ces communautés aux changements climatiques ; impliquer ces dernières dans la recherche de solutions ; et allouer des ressources à la défense de leurs droits, y compris un accès équitable et renforcé à la protection sociale et une transition juste vers des emplois plus respectueux de l’environnement.
Il n’existe aucun doute sur le fait que les femmes, en particulier les femmes handicapées, sont touchées de manière disproportionnée par les catastrophes naturelles. Si la moitié de la société ne peut pas contribuer efficacement à l’élaboration de politiques environnementales, ces politiques ne seront pas suffisamment adaptées aux dommages spécifiques causés, elles protègent moins efficacement les communautés, et elles risquent même d’aggraver la situation.
Il y a douze ans, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a reconnu « la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits intrinsèques des peuples autochtones, qui découlent de leurs structures politiques, économiques et sociales et de leur culture, de leurs traditions spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie, en particulier leurs droits à leurs terres, territoires et ressources ».
Cependant, comme le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones en fera rapport au Conseil ce mois-ci , ces peuples sont de plus en plus chassés de leurs terres en raison de la destruction de l’environnement. Et c’est pourtant grâce à la connaissance et à la sagesse ancestrales des peuples autochtones que de nombreuses forêts et d’autres ressources existent toujours sur cette planète. Cette connaissance est encore plus cruciale aujourd’hui. Le savoir des peuples autochtones peut se révéler essentiel pour l’action climatique dans de nombreux cas, dont la gestion des incendies ; les systèmes d’alertes météorologiques précoces ; la collecte des eaux de pluie ; les techniques agricoles traditionnelles ; et la gestion des littoraux. Il est essentiel que les droits de tous les peuples autochtones soient protégés, y compris leur droit de participer pleinement et librement aux décisions politiques.
Je félicite le Canada pour sa promesse de financer un centre de liaison pour soutenir la plateforme dédiée aux communautés locales et aux peuples autochtones, qui a été établie par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le Canada a également inclus les peuples autochtones dans ses délégations aux Conférences des Parties. Certes ces mesures sont positives, mais j’encourage tous les États à garantir la participation complète, significative et effective des peuples autochtones dans tous les processus décisionnels en matière d’environnement.
En Colombie, le Haut-Commissariat aide depuis 2014 les peuples autochtones et les communautés d’ascendance africaine à mettre en place des protocoles établissant les exigences en matière de consultation. Dans plusieurs cas, cela a permis d’instaurer un dialogue et de parvenir à des accords avec les autorités. Par exemple, le protocole du peuple Arhuaco, achevé en 2017, vise à assurer la gestion durable et respectueuse de la Sierra Nevada de Santa Marta, un écosystème et une source d’eau stratégiques. Aujourd’hui, un décret gouvernemental préserve cet écosystème, et garantit la reconnaissance des sites sacrés.
Je suis profondément préoccupée par l’accélération vertigineuse de la déforestation de l’Amazonie. Les incendies qui font actuellement rage dans cette forêt pluviale risquent d’avoir des effets catastrophiques sur l’ensemble de l’humanité, mais leurs pires effets sont subis par les femmes, les hommes et les enfants qui vivent dans ces régions – et parmi eux, de nombreux peuples autochtones. On ne connaîtra peut-être jamais le total des pertes humaines et des dommages causés au cours de ces dernières semaines en Bolivie, au Paraguay et au Brésil. Je lance un appel aux autorités nationales pour qu’elles assurent la mise en œuvre de politiques environnementales à long terme et de mécanismes d’incitation à la gestion durable, afin d’empêcher de futures catastrophes.
Partout dans le monde, le Haut-Commissariat a aussi relevé plusieurs cas où des projets de développement, comme de grands barrages hydroélectriques et des plantations pour la production de biocarburants, ont été financés par des institutions financières internationales au nom de l’action climatique, mais ont porté atteinte aux droits des peuples autochtones et des communautés locales, notamment à ceux des femmes. J’exhorte toutes les institutions financières et de développement – y compris les mécanismes établis en vertu de l’article 6 de l’Accord de Paris – de mettre en place des garanties dans le domaine des droits de l’homme axées sur la participation et l’accès aux informations, à la justice et aux voies de recours.
Monsieur le Président,
Troisième point : nous devons mieux protéger ceux qui défendent l’environnement.
Les défenseurs de l’environnement – notamment ceux qui défendent les droits fonciers des peuples autochtones – rendent de grands services à leur pays, et à l’humanité. Le Haut-Commissariat et les Rapporteurs spéciaux ont reporté plusieurs attaques à l’encontre de défenseurs des droits environnementaux dans presque toutes les régions du monde, et particulièrement en Amérique latine.
Je constate avec déception ces violences, ainsi que les attaques verbales lancées sur les jeunes militants, dont Greta Thunberg et bien d’autres, qui s’efforcent de mobiliser le soutien nécessaire pour prévenir les dommages que leur génération pourrait subir. Les appels lancés par les militants et défenseurs de l’environnement sont convaincants, et nous nous devons de respecter, protéger et réaliser leurs droits.
Le mois dernier, le Haut-Commissariat a signé un partenariat renforcé avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement. Cet accord consiste notamment à intensifier notre coopération pour protéger les défenseurs des droits de l’homme au siège et dans des bureaux régionaux et de pays spécifiques. Nous pourrons ainsi garantir que notre travail au sein du système des Nations Unies encourage l’uniformité et la cohérence des actions environnementales et celles liées aux droits de l’homme. Ce partenariat permettra de renforcer notre soutien à la mise en œuvre des politiques environnementales liées aux droits de l’homme à l’échelle nationale, notamment grâce au travail des institutions nationales des droits de l’homme.
L’Accord sur l’accès à l’information, la participation du public et la justice en matière d’environnement en Amérique latine – connu sous le nom d‘Accordd’Escazú – laisse également espérer des changements. L’Accord vise à garantir les droits de toute personne à un environnement sain et un développement durable. Il comprend des dispositions contraignantes pour la protection de ceux qui défendent l’environnement et garantit les droits à l’information environnementale, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Je demande instamment à tous les États de la région – y compris les 15 États ayant déjà signé l’Accord – de le ratifier et de l’appliquer au plus vite. J’appelle également d’autres régions et États à envisager la création d’engagements similaires.
Nous travaillons aussi en partenariat avec l’Université du Pacifique Sud, qui détient 14 campus répartis sur l’ensemble des îles du Pacifique Sud, afin de promouvoir un meilleur soutien aux défenseurs des droits environnementaux qui poussent les entreprises et les gouvernements à donner davantage la priorité aux questions environnementales. Nous avons aidé les défenseurs dans toute la région à établir un réseau de coordination et le soutien mutuel.
Monsieur le Président,
Quatrième point : ceux qui sont les plus touchés nous montrent la voie.
Les petits États insulaires font partie des zones les plus touchées par les effets catastrophiques des changements climatiques, bien qu’ils contribuent très peu au problème. La semaine dernière, un autre ouragan dévastateur a encore frappé les Bahamas, causant la perte de nombreuses vies humaines et réduisant à néant de précieux acquis en matière de développement. La tempête s’est accélérée avec une rapidité sans précédent au-dessus de l’océan, dont le réchauffement est causé par les changements climatiques, devenant l’un des plus puissants ouragans qu’ait connu la côte atlantique.
La majorité de la population de la région des Caraïbes vit dans des zones côtières – et plusieurs pays des Caraïbes, y compris les Bahamas et la Dominique, ont mis en place des politiques visant à renforcer leur résilience climatique et les mesures d’atténuation. Cependant, selon une recherche menée par la CEPALC en 2011, la hausse du niveau de la mer pourrait submerger entre 10 et 12 pour cent du territoire des Bahamas d’ici 2050 : une perte inestimable pour l’humanité. En réalité, les États insulaires ne peuvent agir seuls pour résoudre un problème dont ils ne sont pas la cause.
Les États du Pacifique Sud sont à la tête de l’appel mondial à l’action et à la justice climatiques. Nos présences dans la région constatent presque quotidiennement l’impact des changements sur les droits des communautés à l’eau et l’assainissement, à la santé, à l’alimentation, au travail, à un logement convenable, ainsi que les déplacements de personnes causés par cette situation. Je lance un appel à la communauté internationale pour qu’elle augmente les ressources disponibles et offre un appui technique plus poussé aux pays du Pacifique Sud et à tous les petits États insulaires, pour favoriser l’atténuation, l’adaptation et la prévention.
Conformément aux discussions menées lors de la réunion régionale sur les droits de l’homme et les changements climatiques du mois dernier, nous continuerons de travailler avec les Gouvernements insulaires du Pacifique pour les aider à intégrer la question des droits de l’homme dans la lutte contre les changements climatiques.
Monsieur le Président,
Ce qui m’amène au cinquième point : les entreprises joueront un rôle crucial dans l’action climatique
Pour prévenir de futurs dommages liés au climat et garantir la justice climatique, les entreprises doivent faire partie de la solution. L’initiative pour la protection du climat Caring for Climate, lancée par le Pacte mondial des Nations Unies et du PNUE, regroupe plus de 400 entreprises du monde entier qui se sont engagées à prendre des mesures pour remédier à la crise climatique. Leur contribution à l’économie verte et à l’économie bleue est importante pour parvenir à un développement durable.
Je salue également les engagements pris par plusieurs pays dans les Amériques afin de créer des plans d’action nationaux sur les entreprises et les droits de l’homme, qui mettent l’accent sur la nécessité de favoriser la participation et la consultation des peuples autochtones.
Les entreprises se doivent de respecter les droits de l’homme, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et les droits de l’homme. Les États ont l’obligation positive de réglementer efficacement les entreprises pour prévenir les atteintes aux droits de l’homme. Toutefois, dans de nombreux pays, l’appui et les subventions du Gouvernement pour l’industrie des combustibles fossiles compromettent la réalisation des objectifs climatiques. Je rappelle à tous les Membres la nécessité d’adopter une politique cohérente – à l’échelle nationale et internationale – quant à la façon dont ils souhaitent traiter l’impact des changements climatiques sur les droits de l’homme, y compris en ce qui concerne les activités commerciales.
L’institution nationale des droits de l’homme des Philippines enquête actuellement sur les responsabilités en matière de droits de l’homme de 47 entreprises responsables de la majorité des émissions mondiales de gaz à effet de serre dans l’histoire. L’enquête a suscité une attention considérable quant à la responsabilité des entreprises envers les effets néfastes des changements climatiques pour les droits de l’homme, et l’institution publiera ses conclusions plus tard cette année. La surveillance accrue du respect des droits de l’homme dans les entreprises menée par plusieurs organismes tels que le conseil d’éthique de la caisse de retraite norvégienne a également conduit les entreprises à prendre davantage conscience de leurs lacunes et de leurs responsabilités afin de prendre d’urgence des mesures correctives.
En outre, le mois dernier, le Comité des droits de l’homme a rendu une décision historique concernant l’affaire Portillo Caceres c. Paraguay – dans le cadre de laquelle plusieurs personnes sont tombées malades, et une est décédée, à la suite de l’utilisation illimitée et non contrôlée de pesticides. C’est la première fois qu’un organe conventionnel déclaré sans équivoque que le manque de protection fourni par un État contre des dommages environnementaux peut constituer une violation de ses obligations en ce qui concerne les droits à la vie, à la protection de la vie privée et la vie familiale. Cette importante décision crée un précédent en établissant que les États ont des obligations en vertu du droit international des droits de l’homme de mener des enquêtes sur des préjudices environnementaux similaires ; de sanctionner les responsables ; et d’offrir des réparations aux victimes.
Monsieur le Président,
Je voudrais attirer l’attention du Conseil sur plusieurs autres situations des droits de l’homme. Le Haut-Commissariat fera plusieurs déclarations spécifiques durant cette session concernant Gaza ; le Nicaragua ; la République démocratique du Congo ; l’Ukraine ; le Venezuela ; et le Yémen, et je ne mentionnerai donc pas ces cas dans ce discours. Toutefois, je souhaite faire remarquer l’accord décisif conclu pour la libération de prisonniers en Ukraine et dans la Fédération de Russie samedi dernier, qui a permis de libérer de nombreuses personnes, dont le HCDH préconisait la libération. J’encourage vivement toutes les parties à poursuivre sur cette lancée et à mettre fin au conflit dans l’est de l’Ukraine.
Je félicite les différentes parties prenantes pour la signature au Soudan d’un accord politique et de la déclaration constitutionnelle le 17 août, afin de permettre une transition vers un nouveau régime civil et démocratique. Cet événement est digne d’être célébré. La Déclaration constitutionnelle comprend de nombreuses références aux droits de l’homme, notamment la Déclaration des droits de l’homme et son engagement à créer un comité national d’enquête. Je me félicite également de son engagement explicite pour « faciliter la mission du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Soudan ». Un représentant du Haut-Commissariat est à Khartoum, et nous espérons que les discussions avanceront pour établir un bureau du HCDH dûment mandaté dans le pays. Nous sommes prêts à fournir une assistance technique au nouveau Gouvernement, notamment concernant les réformes juridiques énoncées dans la Déclaration constitutionnelle, et sur la justice en période de transition. Il sera essentiel de combler les lacunes en matière de protection et de soutenir la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme dans cet effort, y compris au Darfour, à mesure que la MINUAD se retirera de la région.
Au Zimbabwe, je suis profondément préoccupée par l’impact de la crise économique et par la répression des manifestants et des groupes de la société civile. L’hyperinflation a entraîné une flambée des prix du carburant, de la nourriture, des transports et des services de santé, ce qui a eu un impact catastrophique, en particulier sur les groupes marginalisés et la classe ouvrière. J’exhorte le Gouvernement à trouver des moyens constructifs pour dialoguer avec la population concernant leurs griefs légitimes liés à la situation économique, et à mettre un terme à la répression des manifestants pacifiques, en particulier les recours excessifs à la force. Je suis également préoccupée par le nombre croissant de rapports faisant état d’attaques et d’arrestations à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme.
En Tanzanie, je continue d’être préoccupée par la diminution de l’espace civique, avec l’adoption d’une législation très restrictive sur les ONG en juin dernier. Ainsi, les autorités peuvent désormais surveiller et évaluer les activités de chaque ONG tous les trois mois, et disposent du pouvoir discrétionnaire de suspendre ses opérations en attendant une audience. Je suis également préoccupée par les rapports récents d’arrestations et de détentions de journalistes ayant enquêté sur des questions telles que les divisions politiques au sein du parti au pouvoir, et le traitement des détenus en garde à vue. Je prends note de l’engagement du Gouvernement à freiner la corruption et à étendre l’accès à l’éducation et la santé. Toutefois, je rappelle aux autorités que les droits à la liberté d’information et d’expression – y compris à émettre des critiques – ainsi que le droit de réunion pacifique, sont essentiels à la bonne gouvernance et au développement durable.
Au Burundi, des rapports indiquent que des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, la torture et les mauvais traitements, ainsi que de graves restrictions des libertés d’expression et d’association continuent d’avoir lieu. Au cours des discussions qui ont suivi la décision du Gouvernement en février de mettre un terme à notre présence dans le pays, les autorités se sont déclarées résolues à maintenir un autre mode de coopération avec le HCDH. Je répète que nous sommes prêts à poursuivre les consultations avec le Gouvernement afin de créer de nouveaux modes de partenariat, de manière à résoudre les problèmes persistants relatifs aux droits de l’homme.
Je suis attristée par les récents cas graves de violence xénophobe reportés en Afrique du Sud, et de rapports alarmants faisant état de plusieurs meurtres sexistes. Toutes les personnes d’Afrique du Sud –citoyens ou ressortissants étrangers – sont habilitées à jouir des droits fondamentaux, conformément à la Constitution et au droit international des droits de l’homme. Je note avec satisfaction la déclaration récente du président, et exhorte les autorités à agir rapidement pour assurer la protection des victimes et faire en sorte que les responsables répondent de leurs actes, afin d’endiguer le flot de violences.
Monsieur le Président,
Le Haut-Commissariat maintient un dialogue bilatéral avec le Gouvernement de la République populaire de Chine. En ce qui concerne Hong Kong, alors que la plupart des manifestations ont été menées pacifiquement et conformément à la loi, j’ai été déconcertée par les scènes de violence croissante de certaines manifestations récentes. Je demande à ceux qui participent à ces manifestations de le faire de manière pacifique, et conformément à la loi. J’exhorte également les autorités à continuer de répondre à tout acte de violence avec retenue, et sans force excessive. J’encourage la cheffe de l’exécutif à poursuivre son initiative visant à établir un dialogue avec la population et à répondre à ses doléances, et je souhaite encourager la population de Hong Kong à saisir cette occasion pour engager des discussions avec le Gouvernement de manière pacifique et constructive.
En ce qui concerne le Cachemire, le Haut-Commissariat continue de recevoir des rapports sur la situation des droits de l’homme des deux côtés de la ligne de contrôle. Je suis profondément préoccupée par l’impact des mesures prises récemment par le Gouvernement de l’Inde sur les droits de l’homme des Cachemiriens, notamment les restrictions concernant les communications sur Internet et les réunions pacifiques, et la détention de dirigeants politiques et de militants locaux. Je continue d’exhorter les gouvernements de l’Inde et du Pakistan à s’assurer que les droits de l’homme sont respectés et protégés, et j’ai plus particulièrement demandé à l’Inde d’alléger les mesures de confinement et de couvre-feu ; d’assurer l’accès des populations aux services de base ; et de garantir le droit à une procédure régulière pour les personnes détenues. Il est important que le peuple du Cachemire soit consulté et impliqué dans tout processus décisionnel ayant une incidence sur son avenir.
Le récent processus de vérification du registre national des citoyens mené dans l’État d’Assam, au nord-est de l’Inde, qui a abouti à l’exclusion d’environ 1,9 million de personnes de la liste finale publiée le 31 août, génère beaucoup d’incertitude et d’anxiété. J’exhorte le Gouvernement à garantir le droit à une procédure régulière durant la procédure d’appel, à prévenir les expulsions et les détentions, et à s’assurer que les personnes concernées ne se retrouvent pas apatrides.
Au Myanmar, deux ans se sont écoulés depuis que les violations atroces commises par l’armée, dont des meurtres et des violences sexuelles, ont conduit près d’un million de Rohingya à fuir le pays. L’État rakhine connaît désormais un autre conflit opposant l’armée arakanaise à la Tatmadaw, qui s’accompagne d’une autre vague de violations des droits de l’homme et de déplacements. Cette situation affecte à la fois la communauté rakhine et celle des Rohingya, et rendra le retour des réfugiés et des personnes déplacées encore plus difficile. L’escalade récente des affrontements dans l’État shan et les conflits de longue durée dans l’État kachin entraînent eux aussi des déplacements de population et des souffrances humaines, et sapent le processus de paix.
Cette session du Conseil entendra le rapport final de la Mission d’établissement des faits et je le recommande, car il donne une image claire de la gravité et de l’ampleur des violations qui ont été commises au Myanmar. Le besoin de responsabilisation est impérieux et urgent, et je me réjouis de savoir que le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, qui a été établi par le Conseil dans sa résolution historique 39/2, a été déclaré opérationnel en août par le Secrétaire général. Le responsable de ce mécanisme prendra la parole à la fin de mon discours pour vous présenter les mesures déjà prises pour faire avancer les précieux efforts de la Mission d’établissement des faits, en compilant les cas appelant des poursuites pénales.
J’exhorte le Gouvernement à coopérer avec les mécanismes internationaux qui ont été établis à la fois pour garantir la justice et consolider la transition démocratique au Myanmar. Et je me félicite de l’adoption par le Myanmar en juillet d’une loi historique sur la protection de l’enfance, qui répondra aux exigences de la Convention relative aux droits de l’enfant et aux conventions de l’OIT.
Concernant le Cambodge, tout en reconnaissant la coopération continue des autorités avec le Haut-Commissariat, je reste préoccupée par la pression continue exercée sur les membres et partisans de l’ancien premier parti d’opposition, qui a été dissous à la fin de l’année 2017. Depuis le début de cette année, la police et les tribunaux ont interrogé plus de 130 personnes, et au moins 22 membres ou sympathisants de l’opposition sont actuellement en détention pour différentes chefs d’accusation ou condamnations, directement ou indirectement liés à leurs opinions politiques. Le droit au développement doit reposer sur la participation de tous – y compris des personnes critiques – à la prise de décisions, et j’encourage le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour garantir un véritable dialogue et le respect des libertés fondamentales.
Nous continuons de surveiller la situation des droits de l’homme en Afghanistan, et les conséquences catastrophiques des conflits armés pour les civils, d’autant plus que le pays se prépare aux élections présidentielles ce mois-ci. En juillet, plus de 1 500 victimes civiles ont été enregistrées par la MANUA – le chiffre mensuel le plus élevé depuis que la Mission a commencé à recenser le nombre de victimes civiles en 2009. Je continue d’espérer que les pourparlers de paix mettront un terme à ce conflit violent. Pour garantir une paix durable, il est essentiel que le respect et la protection des droits de tous les Afghans, en particulier ceux des femmes, soient au cœur de tous les accords politiques.
Monsieur le Président,
En Syrie, l’escalade militaire continue de toucher gravement les civils, les services de santé et les écoles, en particulier au sud d’Edleb et au nord de Hama. Depuis le lancement de la campagne actuelle le 29 avril, plus d’un millier de civils ont été tués, dont au moins 300 enfants – principalement en raison de frappes aériennes lancées par les forces gouvernementales et leurs alliés, mais aussi, dans une moindre mesure, d’attaques menées par des groupes armés non étatiques. Depuis le début du mois de mai, l’OCHA a enregistré le déplacement de 600 000 civils supplémentaires. Le Bureau a enregistré la dégradation ou la destruction de 51 hôpitaux, cliniques et services ambulanciers jusqu’ici cette année. Deux incidents ont notamment été reportés au cours desquels le même établissement a été frappé à maintes reprises, entraînant des pertes humaines supplémentaires parmi les équipes de sauvetage et de premiers intervenants.
Dans le territoire palestinien occupé, l’expansion continue de la zone de peuplement dans les territoires occupés de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, est illégale en vertu du droit international, et a de graves répercussions sur les droits de l’homme des Palestiniens. Je suis particulièrement préoccupée par le niveau de violence très élevé dont font preuve les colons, et par le refus d’Israël de protéger adéquatement les Palestiniens contre ces attaques et forcer les responsables à répondre de leurs actes. Les démolitions d’habitations ont augmenté récemment en vertu de la politique israélienne de zonage et d’aménagement qui discrimine fortement les Palestiniens. Jusqu’ici cette année, au moins 481 personnes ont été déplacées à la suite de ces démolitions, ce chiffre dépassant déjà le nombre de personnes déplacées en 2018, qui s’élevait à 472. La violence des colons, les démolitions et les expulsions forcées contribuent à un climat forçant les Palestiniens à quitter leurs foyers. Dans ce contexte, je note également avec inquiétude un certain nombre d’appels récents de responsables israéliens proposant l’annexion d’une partie ou de la totalité de la Cisjordanie.
Je continue d’être alarmée par les rapports faisant état de Palestiniens tués ou blessés en violation de la légalité par les forces de sécurité israéliennes sur l’ensemble du territoire occupé, ainsi que du manque de transparence totale concernant des cas possibles d’usage excessif de la force. En outre, le Haut-Commissariat reste préoccupé par le fait que les attaques dirigées contre les défenseurs des droits de l’homme – notamment sous la forme d’interdictions de voyager, de déclarations et de rapports diffamatoires, d’interrogatoires, de détentions et de mauvais traitements – par Israël, l’Autorité palestinienne et les autorités de fait dans la bande de Gaza ont augmenté, causant une réduction supplémentaire de l’espace réservé à la société civile. Je fournirai ce matin un compte rendu de la situation dans la bande de Gaza, comme demandé dans le cadre de la résolution 40/13.
En Algérie ces six derniers mois, des manifestations pacifiques de grande envergure n’ont cessé d’appeler à un nouveau gouvernement plus souple, transparent et responsable. J’encourage les responsables gouvernementaux à considérer ces manifestants pacifiques comme des partenaires afin de mettre en place des systèmes décisionnels plus participatifs, grâce à un processus de dialogue national qui devrait les inclure, ainsi que tous les secteurs de la société.
Monsieur le Président,
J’ai peur que les politiques actuellement en vigueur aux États-Unis, au Mexique et dans quelques pays d’Amérique centrale exposent les migrants à un risque accru de violations des droits de l’homme et d’abus, et risquent d’enfreindre les droits des personnes vulnérables. Je suis notamment inquiète du sort des enfants migrants, qui continuent d’être détenus dans des centres à la fois aux États-Unis et au Mexique – allant à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est principe fondamental du droit international.
Les familles qui cherchent à quitter leur lieu d’origine sont poussées à le faire en raison d’une profonde détresse sociale et économique – notamment à cause des changements climatiques, de l’insécurité, de la corruption et d’autres facteurs de grande portée. Les politiques et les pratiques qui visent à empêcher physiquement les migrants d’atteindre l’État de destination et d’y entrer – ou qui visent à les renvoyer sans garanties d’une procédure régulière – sont pour ainsi dire des refoulements. Ni ces approches, ni les prétendues politiques de « tolérance zéro » n’arrêteront les populations de se déplacer. En revanche, elles pousseront les familles désespérées à emprunter des routes plus risquées, où elles risqueront d’être exposées à la violence physique, à la traite d’êtres humains, à la violence sexuelle et à d’autres crimes.
Jusqu’à présent cette année, au moins 35 000 demandeurs d’asile ont été refoulés vers les zones frontalières mexicaines pour attendre leur audience. Nos bureaux de pays au Mexique, au Guatemala et au Honduras ont reporté des hausses des détentions et des déportations de migrants. Nous avons également noté plusieurs cas de séparation familiale dans le cadre de privations arbitraires de liberté ; l’absence d’évaluation individuelle ; le refus de donner accès à des services et à l’assistance humanitaire et l’usage excessif de la force contre les migrants. Des accords visant à « renvoyer » les personnes dans ces pays ou dans d’autres ne sauraient être considérés comme légaux si le droit international des droits de l’homme et le droit des réfugiés ne sont pas respectés – y compris le principe de non-refoulement ; l’évaluation individualisée ; l’intérêt supérieur de l’enfant ; et les garanties d’une procédure régulière.
Aux États-Unis, une nation bâtie sur le principe de l’accueil des migrants, une série de mesures récentes ont nui considérablement à la protection des familles de migrants. Je reste profondément troublée par ces politiques, et en particulier par le maintien de la séparation des enfants de migrants de leurs parents, et la perspective d’une nouvelle réglementation qui permettrait aux enfants d’être détenus indéfiniment, simplement sur la base de leur situation administrative. Rien ne peut justifier d’infliger de tels traumatismes profonds à un enfant.
En Méditerranée, j’exhorte l‘Union européenne et ses États membres à mener des actions plus déterminées et efficaces pour déployer des opérations de recherche et de sauvetage et pour soutenir les efforts des ONG en la matière. Je recommande aussi fortement à l’Union européenne d’adopter une approche commune et fondée sur les droits de l’homme concernant le débarquement de toutes les personnes secourues en mer dans des délais raisonnables – un mécanisme automatique, fonctionnant rapidement, durable sur le long terme, et reflétant les engagements internationaux et la solidarité de tous les États membres de l’UE.
Au cours des derniers mois, les mesures prises par plusieurs pays d’Europe visant à incriminer, entraver ou interrompre les efforts des bateaux de sauvetage et des avions de repérage – ainsi que la forte diminution du nombre de navires de recherche et de sauvetage déployés par les États européens – ont eu des conséquences mortelles pour les adultes et les enfants en quête de sécurité. En juillet, le HCR a annoncé la mort par noyade de plus de 900 migrants en Méditerranée, et de nombreux autres décès peuvent ne pas avoir été enregistrés. De nombreux bateaux sont restés en mer pendant des semaines, à la recherche d’un port de refuge pour accueillir les migrants épuisés et traumatisés qui ont été sauvés. D’innombrables migrants ont été interceptés par les garde-côtes libyens et renvoyés de force vers la Libye, où leurs droits, et potentiellement leurs vies, sont sérieusement menacés.
Ce mépris potentiellement mortel face au désespoir de ces personnes m’inquiète. Je salue les organisations et les militants des droits de l’homme qui continuent de travailler pour défendre les droits des migrants dans ces circonstances difficiles. Je souhaite également exprimer mon soutien aux nombreux tribunaux européens, qui font preuve de professionnalisme et continuent de respecter les lois nationales et internationales concernant la nécessité de protéger les personnes en déplacement, en dépit des campagnes de diffamation, voire des menaces qu’ils reçoivent de la part de certaines figures politiques, dans certains cas.
Je souhaite également rappeler à tous les décideurs que l’ADN de presque tous les êtres humains est composé en partie de personnes d’autres origines – et il en va de même pour notre patrimoine culturel et notre prospérité économique. Les États ont le droit de déterminer si des ressortissants peuvent entrer et séjourner sur leur territoire. Toutefois, toutes les mesures relatives à la gouvernance des migrations devraient être appliquées dans le plein respect des droits de l’homme des personnes concernées. Ces personnes ne sont pas différentes de vous et moi – et méritent tout autant de voir leur valeur reconnue et d’être traitées avec dignité.
Monsieur le Président,
Au Kazakhstan, une vague de protestations pacifiques depuis le mois de mars a entraîné l’arrestation de plus de 4 000 personnes. Je remarque certains signes positifs montrant que les responsables gouvernementaux reconnaissent de plus en plus ces manifestations pacifiques, et j’encourage le nouveau Conseil national de la confiance publique d’inclure les groupes de la société civile, qui réclament davantage de droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. La détention continue de prisonniers, considérée comme étant de nature politique, et l’interdiction effective d’assemblées d’opposition ne sont pas propices à un dialogue authentique et ouvert. J’encourage les autorités à réformer les lois actuelles utilisées pour étouffer toute opposition, notamment la définition large du discours de haine et de la diffamation ; la criminalisation de la diffamation ; les permis restrictifs portant sur les assemblées pacifiques ; et les règlements restrictifs des ONG, des syndicats et des organisations religieuses.
Je reste également préoccupée par le nombre élevé d’arrestations et par l’action de la police en Fédération de Russie, où les élections locales qui se sont déroulées hier à Moscou ont été précédées par plusieurs semaines de protestations, entraînant l’exclusion de plusieurs candidats de l’opposition. Plus de 2 500 personnes ont été arrêtées lors de manifestations en juillet et août. À l’heure actuelle, cinq personnes sont condamnées à des peines d’emprisonnement, et d’autres font l’objet de poursuites pénales. J’appuie les appels lancés par le Conseil présidentiel russe pour les droits de l’homme afin de lancer des enquêtes sur les allégations d’usage excessif de la force par la police, et j’exhorte les autorités à respecter la liberté d’expression, le droit de réunion pacifique et le droit de participer aux affaires publiques.
Excellences,
Nos pays ont démontré à maintes reprises au cours des dernières décennies qu’ils peuvent surmonter d’énormes difficultés liées aux droits de l’homme. Certains, dont mon propre pays, ont tourné le dos à la dictature et ont adopté une démocratie dynamique. Beaucoup ont permis aux peuples auparavant opprimés et discriminés – notamment les femmes – à faire leurs propres choix fondamentaux, en toute liberté. D’autres, dans un laps de temps très court, ont permis à des millions de personnes de sortir de la pauvreté, et ont favorisé leur accès aux droits sociaux et économiques fondamentaux.
Nous avons aujourd’hui de nombreux succès durement acquis à défendre, et d’autres luttes plus récentes à mener. Même si ces tâches s’annoncent difficiles, je suis convaincue que nous pouvons y arriver. Nous pouvons mettre fin à la consommation de combustibles fossiles, et prendre d’autres mesures pour enrayer les changements climatiques. Nous pouvons mettre fin à la discrimination structurelle et défendre la justice. Nous pouvons aider à réaliser le droit au développement, en défendant le droit de chacun de participer à la prise de décision. Avec suffisamment de détermination et en travaillant en partenariat, nous pouvons prendre des mesures pour promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales – et ce faisant, nous renforcerons nos sociétés et bâtirons un avenir meilleur pour nous tous.
Merci Monsieur le Président.